Chapitre I : Identité d’un groupe social
Il serait fastidieux de remonter le cours de l’histoire jusqu’au patriarche des Garab. La Bible nous donne une version qui lève tout équivoque sur ce sujet. Rapportant les propos de Dieu, elle dit ceci : « Multipliez-vous et remplissez la terre[1] ».
Selon Cheikh Anta Diop, les abords du fleuve Nil et les alentours de la mer Sahara seraient le berceau de l’humanité. A l’assèchement de cette mer, les hommes se seraient éparpillés un peu partout. Vivant en groupes, chaque fois qu’un groupe social devient nombreux, une partie quitte le silo familial pour s’établir ailleurs. Ce mouvement s’est fait dans trois directions : du Nord vers le Sud par les côtes, des côtes vers l’intérieur du continent et pour certains peuples, du sud vers le nord. Le groupe social Garab appartient à ce troisième mouvement.
I- Origine et peuplement Garab
La Bible dit encore, les hommes devinrent très nombreux et "l’Eternel les dispersa loin sur la face de la terre[2]".
A/ Origine du peuple garab
De sources orales, on situe souvent les origines lointaines du peuple Garab à partir de la RCA (chez les Yacouma). L’un des ressortissants de ce peuple aurait quitté le silo familial pour s’établir chez les daye du Moyen Chari au Tchad. Quelques années plus tard, un de ses descendants aurait quitté la région de Kyabé à pirogue et suivant le logone en aval, à la recherche d’un endroit propice pour la pêche et l’agriculture, il aurait atteint Kerep-Gaƒl dans la Tandjilé. Cet endroit lui a donné une progéniture nombreuse. Il eut cinq enfants: Ga’a[3] ou Guerra, Tchoua, Kolong Piri, Kereb et Boussor. Sentant sa mort future, il installe ses fils dans un rayon de cinquante kilomètres tout au plus en circonférence de son lieu d’habitation afin d’occuper l’espace. Ga’a reçut un bled au nord de ses frères, c’est-à-dire aux confins des fleuves Logone et Tandjilé. Cette version paraît plausible, car ces noms cités dont les descendants constituent aujourd’hui des gros villages ou des groupes ethniques ont une culture et des langues qui restent très proches de celles des Garab. La seconde source décrit : Ga’a comme un habile chasseur qui, poursuivant un gibier se serait égaré. Dans ses errements, il aurait découvert aux confins des fleuves logone et tandjilé, un bourrelet exondé situé en plein milieu des bas-fonds, favorables à la pêche et à l’agriculture. Il a décidé de l’habiter dans le temps. Son ardeur à rendre cet endroit habitable a attiré vers lui la population avoisinante. C’est ainsi que naquit plus tard le village Garab. Mais certaines peuplades habitaient déjà la région avant lui.
Vue le nombre d’années qui nous séparent de cette histoire, la recherche du nom du premier habitant du village Eré demeure une pomme de discorde entre tous ceux qui ont travaillé sur ce peuple. N’importe quel clan veut s’accaparer la tête des champs. Selon certaines sources, le premier occupant de la région serait Peyarab, l’ancêtre du clan Kodockma. L’habitation de ce site étant difficile car très hostile, il finit par quitter et aurait établi son quartier à sept kilomètres au Nord de l’actuel site du village Eré. D’après d’autres sources, Lovoh et Gahko qui sont des frères seraient les premiers habitants de l’actuel site. Quelques autres sources attribuent la primauté de l’habitation de la région à l’ancêtre des clans Koima et Dereb. Alors, ces différentes versions rendent superflues toutes vérités sur le nom du premier occupant de la région.
Pour lever tout esprit de doute, nous savons du moins que l’esprit du culte de la terre qui a prévalu dans toute l’Afrique noire précoloniale l’est aussi en terre Garab. Le chef de terre a un pouvoir non négligeable sur la population et surtout le nouveau venu. Le culte de la terre n’est célébré que par la famille la plus anciennement établie sur les lieux. Or, le culte de la terre est la propriété exclusive du clan Kodockma. Ce qui prouve à suffisance que leur ancêtre est le premier habitant de la région. Le culte de purification est un pouvoir non négligeable en milieu garab. Le culte de purification du village est le propre des clans Koima et Dereb. Quant au culte de purification de la brousse, il est le propre des clans lavoh et Gahko. Alors, il est clair que ces clans précités se seraient succédés dans leur implantation dans la région. Au rang des trois commanditaires dans la société Garab, le chef de terre est placé au sommet de la hiérarchie. La terre appartient au premier occupant bien sûr, mais elle peut s’acheter ou se vendre. C’est pourquoi chaque clan établit en terre Garab a au moins une propriété foncière ou un bief. La détermination de la date de l’occupation de l’actuel site, comme dans toute société de l’oralité est extrêmement difficile. Au terme de nos recherches et de plusieurs sources croisées, sept chefs de terre se sont succédé au trône, de la fondation de ce village jusqu’à la colonisation en 1903. Si la durée de vie d’une génération est de trente deux ans, il est probable que le village Garab soit fondé vers 1647.
B/ Le peuplement garab
Même si les violons s’accordent pour dire que Peyarab est le premier occupant de la région, il est probable que le 1er habitant de l’actuel site soit Ga’a. D’après un arbre généalogique établit par Mamadé Goaboal Osée, Ga’a a eu trois fils : Koin, Barab et Peyarab. Barab a engendré Balegué, Bacatché et Mallet. Mallet à engendré Vounoubel, et Vounoubel a engendré Vourtou ; Vourtou a engendré Azadé ; Azadé a engendré Mallamon, Mallamon a engendré Aguella; Aguella a engendré Ware.
Peyarap a engendré Kodok.
Koin a engendré…..
Cette version est quelque peu ambiguë. Actuellement la logique établit en terre Garab est que les clans Aguella, Azadé, Bacatché, Balégué reconnaissent Bahan comme leur patriarche. Ils ont encore en commun et comme patrimoine beaucoup de titres fonciers et des biefs. Tout mariage entre Aguella -Azadé ; Balegué-Bacatché est de l’inceste. Dans un passé récent, le culte de la purification du village unissait les clans Koima et Dereb. Toutefois, ils ont encore quelques patrimoines communs. Les descendants de Kodock n’ont rien de commun ni avec les clans Koïma et Dereb, ni avec les clans Barab, ni avec les descendants des clans Lavoh-Gahko. Ce qu’on peut en définitif dire, ce que Ga’a serait un immigré, mais qui aurait été le premier à habiter le site, avec l’aval de Peyarab. Puisqu’il eut une progéniture nombreuse, il posa le jalon de ce village. A lui s’est ajouté Koima et son frère Dereb dont le site de leur père se trouve à 5 Km à l’Ouest de Eré (Mbayab). Ensuite, Lovoh, Gahko et Djargaye, trois frères qui ont partagé la région avec Kodock bien avant l’arrivée des autres se sont joints à eux car ces derniers habitaient à 6 km à l’Ouest de l’actuel site. Ils sont connus comme des cousins de Koyong, l’ancêtre du clan Koyom. Arrivés en pays qui prit le nom Garab, Djargaye a faussé compagnon à ses frères pour établir son village en terre Moussey. Gouroum fils de Guerah se trouvait à 7 km au nord de l’actuel village Garab. Il quitte le site pour rejoindre les autres car l’insécurité était telle que les peuplades ne pouvaient tenir sur leur site. Suite à une mésentente entre koin et son frère Dereb, ce dernier a dû quitter son grand frère pour vivre auprès de son oncle Gouroum. Enfin le descendant de Peyarab, Kodok sous la menace des razzias jugent bon de s’ajouter aux autres devenus nombreux.
Entre temps à 6 km au sud de l’actuel site, un marba de Léo nommé Keyal avait fondé un village et ses descendants menaçaient les habitants des villages Garab, kossop et bien d’autres personnes qui traversaient leur territoire. C’est ainsi qu’une offensive de grande envergure eut lieu contre ce village obligeant ses habitants à s’éparpiller. Certains ont intégré des clans établis en terre Garab. D’autres ont continué pour s’établir ailleurs. Ceux qui sont restés à Eré ont reçu très récemment un quartier au nord du quartier Kodokma. Depuis lors, la boucle des installations en pays Garab est bouclé. D’autres segments lignagers venus tardivement se sont dissimulés parmi les autres selon leur affinité. Ainsi donc, s’est opéré une première synthèse culturelle pour former le peuple Garab. Partant, est naît une langue, un peuple, une culture, une civilisation et un territoire.
Ce qu’il convient de retenir, ce que le peuple Garab a constitué par le passé ce que les anthropologues africanistes ont appelé une société a céphal. De nos jours, il présente encore certains traits caractéristiques de cette forme d’organisation sociale.
II- Identité garab
Comment identifie-t-on un groupe social? C’est à partir de la langue que tout groupe humain se forge une identité. La langue garab est une langue naturelle, un miroir dans lequel ce peuple s’est miré à travers le temps et s’y est forgé une image, un comportement et des us.
A/ Origine de la langue garab
Déterminer les origines de la langue garab revient à chercher les origines de ce peuple. C’est que nous savons du moins, c’est que la langue sango (RCA) et la langue garab renferment des mots qui veulent dire exactement la même chose dans l’une comme dans l’autre (mbi, mo…) mais cela ne suffit pas pour dire que l’une dérive de l’autre. Il se pourrait que cela soit une juste coïncidence de l’histoire. Ce qui est sûr, c’est que toute langue née du besoin de communication. La rencontre des langues peut donner naissance à une langue autre que celles d’origines.
Il nous est aussi difficile de dire qui des langues Kossop, kodrop, kolob ou garab est la langue mère du milieu ou a plus influencé les autres pour donner nos langues actuelles. La langue garab a aussi de continium dialectal avec la langue marba. Les raisons sont assez claires. Une bonne partie des marba est d’origines garab (jargaye, Semi Orguey) et vis versa (Keyalab, koima, Gouroum, Dereb). En plus de cela, les mariages sont réguliers entre ces deux peuples.
La langue garab est certes une langue de communication. Elle sert à répercuter la sagesse de ses locuteurs. Dans les contes, les comportements des acteurs sociaux sont attribués à des animaux. Puisque toute langue s’enrichit ou s’appauvrit au cours de son existence, aujourd’hui, certaines manières de parler on disparu de la langue Garab (wa sammama et wa siim). Dès 1941, pour le besoin de la cause, les pionniers de l’évangile dans la région ont déterminé et arrêté l’alphabet Garab afin d’apprendre à lire la Bible et à écrire à leurs fidèles. On était encore loin de l’école en langue française. Le manque d’un linguiste a fait que cet alphabet est resté très proche de l’alphabet Haoussa. Voici la liste de l’alphabet garab en son temps arrêté par Josué Baïzouma : a, b, b’ c, d, d’, e f, g, gw, h, i, j, k, l, m, mb, n, nd, ng, ny, o, p, pw, r, s, sw, t, u, v, w, y, z. Mais cette écriture ne satisfait pas entièrement la transcription de la langue garab. Deux sons différents peuvent se transcrire de la même manière. Exemple jinyanl : boisson et jinyanl : neuf.
Avec la détermination de l’écriture nationale baptisée Tchad 2000 et Tchad UNICOT, l’écriture garab a subit de modifications et le nouveau alphabet se présente comme suit : a, aa, aƒ, b, Ö, bw, c, d, Ø, dw, e ,ee, eƒ, f, fw, g, gw, h, i, ii, i j, k, kw, l, m, mb, mw, n, nƒ, Ý, o, oo, oƒ, p, pw, r, s, sw, t, tw, u, uu, uƒ, v, w, y, z.
Ce qui fait désormais de la langue garab une langue écrite, capable de transcrire sa sagesse sur des supports. Depuis 1941, les garab ont édité plusieurs fois des cantiques et de nos jours, la communauté dispose d’un syllabaire de langue, des brochures et quelques fragments de la Bible en langue Garab.
B /La civilisation Garab
Le peuple garab appartient au troisième type de civilisation c’est-à-dire celle de grenier. Les premiers habitants se sont installés dans le but d’exploiter les ressources halieutique, faunique et agricole de la région. C’est pourquoi on y trouve les trois formes des activités de l’homme primaire dans la région notamment: la chasse, la pêche et la cueillette. Le peuple garab a connu une théocratie semblable à celle des juifs au temps de Moïse, Josué et Samuel. Ce sont les chefs spirituels qui détenaient l’essentiel du pouvoir dans la société. C’est pourquoi les mœurs garab restent très proches du décalogue mosaïque. Trois chefs religieux détenaient le pouvoir dans la société : le chef de terre, et deux sacrificateurs dont l’un veillait sur le village et l’autre sur la brousse. Les commandements sont:
- Tu aimeras les dieux de tes ancêtres de tout ton cœur et sera toujours prêt à les défendre partout où tu seras.
- Tu traiteras ton prochain comme toi-même car nous sommes tous frères en terre Garab.
- Tu respecteras toutes les personnes âgées comme tes propres parents afin que tu reçoives d’elles la bénédiction et que tes jours se prolongent sur la terre.
- Tu ne commettras point d’adultère.
- Tu ne commettras point l’inceste.
- Tu ne convoiteras point le bien d’autrui.
- Tu vivras à la sueur de ton front.
- Tu ne voleras point.
-Tu ne tueras ni par fétiche, ni par l’épée un fils du village.
-Tu ne porteras pas un faux témoignage et ne jureras ni par le ciel, ni par l’eau, ni par la terre, car Dieu hait la cruauté, le mensonge la tricherie et toute forme d’injustice.
Les sanctions prévues sont les suivantes :
- Le dommage
- La sanction morale
-La sanction pénale
Chapitre II: L’homme et ses dieux
Tout homme porte en lui la marque du Dieu Créateur. En milieu Garab, il n’y a pas de mythe qui attribut l’origine de l’homme à une créature quelconque autre que le Dieu suprême. Comme toute l’humanité, le peuple Garab a connu l’animisme avant le judéo-christianisme qu’il vient d’adopter.
I-1 La religion en milieu Garab
Toute religion est une idéologie qui fonde et régule le mécanisme de fonctionnement social. Rare sont des religions sans Dieu. Les garab ont construit leur paganisme autour d’un Dieu suprême et élèvent au rang des dieux certaines créatures. Mais au sommet de ces dieux, trône le Dieu suprême. C’est au vu d’une bienfaisance quelconque qu’on élève un être au rang de divinité ou messager de Dieu.
A/ Croyance et vénération
Sont considérés comme messagers de Dieu ou dieux, les créatures suivantes:
1-Les génies des eaux (Mam-ma)
A cause de leur installation au bord du logone et des nombreuses activités dont ils pratiquent dans l’eau, les Garab croient à l’existence des êtres surnaturels qui vivent dans l’eau. Ce sont eux qui leur donnent du poisson. Ils forment des gros villages et vivent en familles, en clans et en villages, puis ils développent des relations sereines avec des hommes. Ils habitent les biefs suivants : Tahab, Barab mam, jiyan, Matun, Watar. Ce sont eux qui protègent les clans avec qui, ils ont des liens de parenté. Ils sont très cruels lorsqu’ils sont invoqués. C’est pourquoi chez les Garab, il est prohibé aux enfants de prêter serment avec de l’eau, ou de profaner un lieu placé sous la protection des génies des eaux. Pour entrer en contact avec eux, il faut un sacrifice.
2- Les génies de la brousse (Ful ma)
Ce sont eux qui gardent les gibiers en brousse et protègent les hommes lors des grandes chasses. Une divergence avec eux est synonyme de rompre avec la brousse. Or c’est dans la brousse que se pratiquent la plupart des activités. Ces créatures peuvent prendre la forme d’un homme ou d’un animal.
3- Les totems familiaux
Certains clans ont des totems. Il s’agit de:
- clan Azadé qui vénère le protoptère
- clan Gouroum qui vénère la couleuvre
Le peuple Garab avait un degré de religiosité assez poussé. Peuple animiste, deux temples réunissaient les fidèles. En plus de ces temples, la latitude est laissée à chaque clan d’implanter son autel chez le doyen de la famille. Puisque la religion est un fait qui couvre des réalités diverses et varie selon les sociétés, en milieu Garab, la religion désignée par le mot Siim couvre presque tous les domaines de la vie. A travers le Siim, les Garab reconnaissent la valeur des dieux et un Dieu suprême créateur de toute chose. Les dieux sont considérés comme des êtres très puissants dominant tous les domaines de la vie et maîtrisant la nature. Chaque dieu à son domaine. C’est pourquoi le polythéisme est adopté en milieu Garab. Les dieux sont des intermédiaires entre le Dieu suprême, l’esprit des ancêtres et le monde des vivants. Le grand Dieu est perçu et approché à travers une relation structurelle qui relie les vivants aux morts en général, à l’esprit de l’ancêtre bienfaiteur en particulier. C’est pourquoi en danger, un Ga’a[4] s’écrit «Dieu de tel ancêtre…... sauves-moi ». Ce sont les ancêtres qui invoquent la faveur du Dieu suprême pour leur progéniture. C’est ce Dieu qui révèle à l’esprit des ancêtres ses projets pour sa progéniture. Ainsi, l’esprit des ancêtres doit rester tout près de la maison et pour cela, il lui faut un autel où il peut se reposer. A tout moment, l’autel doit être couvert de nourriture car les ancêtres en ont besoin. Généralement, ils sont friands du sang, du tabac, de la farine et des plumes qui sont des denrées très rares dans le monde des esprits. Le Dieu suprême hait la cruauté, le mensonge, la tricherie et toute forme d’injustice selon les Garab. La croyance en ce Dieu suprême, oblige l’homme à être correct. C’est pourquoi, la société Garab avait moins de problèmes. Le Dieu suprême est désigné par le mot Dok et est indissociable du mot Siim. Dieu est au centre de tous les cultes. Le rite est matérialisé de diverses manières.
B/ Pouvoir et spiritualité
Le sacrificateur relève soit du clan lavoh, soit du clan Gahko[5]. Le pouvoir de ce prêtre relève de la spiritualité et ne se mêle pas du tout de la temporalité. C’est le prêtre qui lie les vivants à l’esprit des ancêtres. Il est le gardien de la tradition. En vertu des pouvoirs qui lui sont conférés, il les partage avec le chef de terre. Il préside une fois l’an le culte de l’ouverture de la saison de chasse. Si un individu commet un crime clandestin (hors du village), c’est lui qui le purifie afin de chasser de son esprit le spectre de la victime. Le dernier prêtre à conduire ce culte est Mbangbassa (1885-1960) du clan Lavoh. Son pouvoir est appelé swal gwale.
2-Le pouvoir du feu (swal son)
Ce pouvoir appartient au clan Koïma dont les descendants sont les seuls à détenir le secret de la forge dans le village. Ce sont les descendants de Koïn qui purifie le village en cas d’épidémie. On appelle ce pouvoir swal son. Le dernier prêtre de ce couvent est Mbogom Bactar.
3 -Le pouvoir ou le culte de l’eau
Le prêtre de ce couvent s’occupe essentiellement des problèmes de l’eau. Il arrive que la pluie connaisse de retard. C’est lui qui doit invoquer les dieux pour qu’ils fassent tomber de l’eau. Quand le fleuve déborde aussi vite son lit et que le fonio n’est pas encore récolté, c’est ce prêtre, par ses pouvoirs mystiques qui empêche l’eau de se déverser en brousse. Il peut aussi empêcher la pluie de tomber au moment du séchage de fonio. Ce pouvoir est le propre du clan Dereb. Le dernier prêtre à animer ce couvant est Adadé.
4-Le pouvoir ou le culte de la terre
Il est détenu par le descendant en ligne droite de la famille la plus anciennement établie en terre Garab. Il bénéficie des mêmes honneurs que les prêtres précédents. Il préside deux fois l’an le culte. Celui qui ouvre et clôture la saison de culture de même que celle de la récolte. Dès que l’autorisation de semer est accordée par les ancêtres, tous les habitants amènent devant lui leur semence. C’est lui qui bénit les semences à travers un culte qu’on célèbre dans son couvent. Quant viendra encore le moment de récolte, c’est encore lui qui donne le signal. Les prémices sont rapportées devant lui. Il autorise à la doyenne de ses femmes de prélever une petite importante des prémices et préparer un banquet. La femme n’a pas le droit de goûter à ce repas pendant la préparation. Le soir, il l’amènera aux ancêtres qui attendent hors du village. Après cette cérémonie, on peut enfin jouir du fruit de son champ. A la fin de la récolte, la dîme est versée au propriétaire foncier qui, à son tour verse une partie au chef de terre. Le chef de terre ne tranche que des litiges relatifs aux bornes des champs, terrains d’habitation et limites des villages. Ce pouvoir est exclusivement celui du clan Kodocma. Le dernier chef a assuré cette fonction est Karnga Hool.
C-La Sorcellerie et le fétichisme
Les Garab croient à la sorcellerie et au fétichisme.
Elle désigne la capacité de guérir ou de nuire propre à un individu au sein d’une société ou d’un groupe donné par des procédés et des rituels magiques. C’est donc des pratiques magiques qui se manifestent dans des forces surnaturelles. A tort ou à raison, ces genres de pratiques sont attribuées à des familles ou à des individus qui les acceptent comme telles. Les garab distinguent plusieurs sortes de fétiches :
1- Le tchangayna : qui tue.
2- le maygou : qui a un pouvoir protecteur.
3-le jiyam ganl : qui protège contre tout sort qu’on t’aura jeté.
4-le jiyam dangso : qui rend inoffensive les adversaires, les ennemis et les bêtes féroces.
Le fétiche envoûtant s’achète. Il a un pouvoir perfide. Il est dans la plupart de cas pratiquer par des hommes. Les Garab ne détiennent pas le secret de sa fabrication. Nous ne savons quand et comment la communauté Garab l’a acquis. En fait, le fétichisme existe dans presque toutes les sociétés indigènes. Ce qui est reconnu, à la communauté Garab, c’est que nul ne peut fabriquer lui-même le fétiche. Généralement, c’est du milieu Marba, gabri ou Bossor d’où vient cela. Lorsqu’un individu se procure un fétiche dans le milieu, la première victime est un membre de sa famille. Ce qu’on a pu découvrir jusque présent, ce sont les manifestations de ce pouvoir sur le corps physique de l’individu: ses yeux deviennent rouge. Sur le plan social, il s’isole de plus en plus et n’approche la masse que pour faire du mal. Un père peut transmettre ce pouvoir à son fils. La détention de ce pouvoir est secrète. Mais tôt ou tard, l’oiseau de mauvais augure est décelé.
La sorcellerie qui s’apparente à l’anthropophagie (jiyam laa) se transmet de mère à l’enfant par le lait. Dans ce domaine, les femmes sont très voraces. L’homme issu d’une famille réputée sorcière ne peut la transmettre à ses enfants. En fait, c’est un pouvoir qui se manifeste beaucoup plus la nuit. Un certain nombre de familles est identifiée sorcière. Les membres de cette famille possèdent un aura très puissant qui détruit les auras des autres. Leur acte se rapproche du cannibalisme ou de l’anthropophagie d’un autre genre. On voit souvent les victimes de ce pouvoir, mais pas l’action. C’est-à-dire comment comprendre qu’un individu serait entrain de détruire les organes d’un autre et ce dernier reste encore en vie ? Le mystère, c’est qu’il y a de temps en temps des malades victimes de la sorcellerie et lorsqu’on jette l’anathème sur un membre de ces familles présumées, il l’accepte et se soumet aux exigences de la famille de la victime. Le remède dans la plupart des cas le même: le malfrat doit donner de l’eau à boire à la victime pour qu’elle recouvre la santé. Cela réussi souvent. Mais il peut arriver aussi que la victime meure sans savoir qui est à l’origine de son mal. Car le sorcier qui se transforme en vampire peut se masquer en prenant la forme d’un animal ou l’image d’une autre personne connue non sorcier pour accomplir sa sale besogne.
I-2-Les cultes solennels
Les officiers aptes à diriger les cultes solennels sont les prêtres des clans Koïma-Dereb; Kodockmo et Gahko-Lavoh. La connaissance des mystères et du surnaturel ne donne aucun droit à la détention du temporel. C’est pourquoi la possession du pouvoir politique à l’ère coloniale a échappé aux clans détenteurs des pouvoirs spirituels.
A/ La purification du village
Elle a lieu en octobre. Le prêtre qui préside ce culte est issu soit du clan Dereb, soit du clan Koïma. Le corps sacerdotal est composé des doyens des familles qui détiennent le pouvoir sacrificiel.
Les forces du mal vivent à l’est du village. Elles peuvent entrer dans le village et faire des victimes. Elles sont en lutte avec les ancêtres sensés protégés le village. Mais chaque année, il faut organiser ce culte afin de sceller des nouvelles alliances avec les ancêtres. Le culte commence à mi-nuit et se termine à l’aube. Les paroles incantatoires prononcées par le prêtre sont répétées par les doyens des familles supposés saints car ils se purifient pendant deux ou trois jours d’avance. Le tour du village étant fait en ceinture, le culte se termine dans le couvent du prêtre. Après ce culte, le village est supposé sanctifier et protéger contre les épidémies. Mais il peut arriver que la prière ne soit pas exaucée et qu’un malheur s’abatte sur le village. Alors, le prêtre reprend le culte solennel pour conjurer le mal. Les péchés qui ont provoqué la ire des ancêtres ne peuvent être lavés que par le sang. Chaque doyen de famille qui y est associé vient soit avec un poulet, soit un cabris pour expier les péchés de sa famille.
B/ La purification de la brousse
La brousse appartient aux génies. Ces génies vivent du sang et aiment du tabac. En tout temps, ils ont besoin du sacrifice. L’ordre moral et l’ordre social étant collectifs, on ne peut pratiquer collectivement une activité qu’après avoir accompli un rite collectif. L’ouverture de la saison de chasse donne lieu à un culte. Généralement, c’est l’un des doyens des clans Koïma et/ou Lavoh-Gahko qui organisent ce culte. Ne sont conviés que des hommes. On y prend une boisson à pouvoir protecteur et magique appelé dop. C’est en sorte un serment qu’on prend pour témoigner que l’on a le devoir d’abattre une fauve qui se présentera lors des grandes chasses. Cette boisson à pouvoir magique n’est bue que par une ou deux personnes considérée comme sacrées.
C/ L’annonce de la culture ou de la récolte
§ -2- le sacrifice et les rites
A/ Les différents types de sacrifices
1-Le sacrifice humain
Il est rare en milieu Garab. Il est le propre des clans Lavoh-Gahko. Dès le bas âge, les divinités portent leur choix sur l’enfant à leur offert. Au moment opportun, on sacrifie l’enfant sur l’autel des ancêtres afin de purifier le village et la brousse. Le sang de ce jeune homme resserre le lien entre le sacrificateur et les ancêtres. Mise à part ces deux clans à qui le sacrifice humain est reconnu, aucun autre clan n’a ce pouvoir. Le sacrifice humain a pris fin en milieu Garab en 1940.
2-Le sacrifice des animaux
Quand un homme commet un mal ou quand un mal s’abat dans la famille ou sur le village, il faut de sacrifice et cela pour deux raisons :
1° le sang de l’animal est expiatoire des péchés
2° la mise à mort de l’animal est symbole de la mise à mort du fautif. A la fin du sacrifice, la colère des dieux envers le fautif s’apaise et le fautif lui aussi se sent soulager dans sa conscience. La fin d’un conflit entre deux individus, deux clans ou une alliance entre deux individus ou deux clans est aussi matérialisée par un sacrifice. Quand le mal s’abat sur la famille ou dans le village, on congédie le sort par un sacrifice. C’est le doyen de la famille ou les doyens des familles qui président le rite sacrificiel.
3-Le sacrifice exaucé ou refusé
C’est devant l’autel des ancêtres que l’on accompli le sacrifice impétratoire après avoir accompli un certain nombre de rites et prononcer quelques paroles incantatoires. Le sacrificateur immole l’animal sur l’autel des ancêtres puis le lâche. L’animal entre en transe et choisi le côté sur lequel se stabiliser. S’il tombe sur le côté gauche, c’est que le sacrifice est refusé et il faut recommencer. S’il tombe sur le côté droit, c’est que le sacrifice est exaucé. Quand il s’agit d’un sacrifice pour les génies des eaux (mammiwater), le sacrifice se fait au bord du fleuve à l’endroit indiqué car l’espace maritime est très morcelé par les occupants (tahab, barab mam, wata, jiyan, matung, baïssalam mam). L’animal destiné au sacrifice n’est pas égorgé. Après avoir prononcé quelques paroles incantatoires, l’animal est jeté tout simplement dans l’eau ou abandonné à l’endroit indiqué par les divinités.
Lorsque le sacrifice est exaucé, l’animal qu’on jette dans l’eau disparaît aussitôt sous l’eau. S’il est abandonné au bord de la rive, une force se manifeste sous une vague puis l’emporte. Si le sacrifice est refusé, l’animal jeté dans l’eau remonte en surface puis rejoigne la berge et, celui abandonné au bord de la rive y reste et pourra se faire dévorer par un carnivore. Les animaux pouvant être sacrifiés sont: le taureau, le veau ou la génisse, le bélier, la brebis, le bouc ou l’agneau; le coquelet, le poulet, le poussin ou l’œuf. La carcasse d’un animal sacrifié est désormais chargée de péchés. Elle ne peut être mangé. La face visible du sacrifice reste le rite.
B/ Les rites garab
En terre Garab, comme dans la plupart des sociétés africaines, les rites sont des faits sociaux. Ils couvrent plusieurs aspects de la vie. Nous allons nous intéresser surtout aux rites cultuels et aux rites de passages.
1-Le culte des morts (sem-ma wa)
Les morts ne sont pas morts. Ils vivent au milieu de nous. Juste un rideau nous sépare. Chaque année, il faut une fête pour nous réunir avec eux. Le village des morts est à l’ouest du village Garab. Ce jour de fête qui a lieu en fin décembre marque aussi la fin de l’année. On peut abattre un cabri pour la jouissance de la famille et en signe de reconnaissance aux ancêtres pour leurs bienfaits. Mais pour les familles qui ont perdu des membres, c’est une obligation de verser le sang et de préparer un banquet pour les morts. La fête dure trois jours. Quelques fois, c’est une obligation surtout pour la veuve qui a de moyens de préparer un banquet pour son mari défunt qui en réclame. Le message lui est transmis par un ami intime du défunt avec qui ils ont des moments de rencontres. Car la nuit, les morts envahissent le village. C’est pourquoi, il n’est pas bon de rester dehors tard dans la nuit ou d’aller en brousse seul la nuit. Les morts des autres villages situés à l’est de Garab traversent en novembre à Eré pour se rendre de l’autre côté de la rive. Ils attendent la nuit pour appeler les descendants du clan kodockmo qui les traversent. Donc, il n’y a que eux seuls qui détiennent ce pouvoir de traverser les mannes des ancêtres dans le milieu Garab.
2-le rite de passage (l’initiation)
Le petit de l’homme qui quitte l’univers de l’enfance doit passer nécessairement par l’initiation. Faut-il le dire, l’individu qui ne passe pas par l’initiation, est toujours considéré comme un enfant quelque soit son âge. Il ne peut accéder à des hautes charges au sein de sa famille, son clan ou dans le village. C’est d’ailleurs une honte pour une famille d’avoir des membres non initiés s’ils ont déjà atteint l’age d’initiation. Fait social, ce rite exige un langage codé, l’usage des objets sacrés, et une cérémonie dirigée par un corps sacerdotal hiérarchisé. La cérémonie se déroule généralement juste derrière le village à deux milles mètres et cela ne dure que 24 heures. C’est un moment des dures épreuves. Ce rite de passage se fait chaque deux ans et rassemble tous les enfants appartenant à deux cohortes dont l’age est compris entre 16-18 ans. Puisque le village était ramassé sur un bourrelet exondé, entouré d’une muraille n’ayant que quelques sorties, le jour de l’initiation fixé, aucune femme n’est autorisée à sortir du village, histoire de découvrir le secret des hommes. Chaque clan rassemble ses éléments à initier, et désigne en même temps les membres du clan qui les accompagnent. Le lendemain, sans les avertir, vers 18 heures on donne un tas de boule à chacun des candidats à l’initiation tout en lui intimant l’ordre de l’apporter à ses ancêtres qui l’attendent hors du village. Dès que celui-ci arrive, il est pris en otage et on le fait asseoir en silence dans un bas-fond creusé à cet effet où attend déjà le corps initiatique. Lorsque tous les candidats à l’initiation seront là, (puisqu’on connaît leur nombre d’avance) alors le mystique entre en jeu.
On apprend aux jeunes enfants un langage codé et ceux-ci doivent l’assimiler en une fraction de temps. Ensuite, on entre à l’école de la brousse pour apprendre ses secrets et ses mystères. Le lendemain c’est le règlement de compte par le corps sacerdotal et surtout, quand on est un enfant irrespectueux et déviant. Quelquefois si une famille a beaucoup d’enfants, on peut éliminer l’un d’eux et, aux parents, on leur dira tout simplement que les ancêtres ont retenu l’enfant qu’ils ont envoyé à l’initiation pour qu’ils les servent. Là, le père sait déjà que son enfant est soit mort, soit gravement blessé pendant l’initiation. A la maman et à ses petits frères, on leur dira que leur frère a été retenu par les ancêtres à quelques kilomètres de là. Quand on va en brousse on leur amène des cadeaux prétextant provenir de leur frère. Les funérailles du défunt ne sont jamais organisées.
A la fin de la journée, les initiés sont ramenés au village. Puis, ils sont campés quelque temps dans une case ou les membres de la société sécrète appartenant aux corps initiatique parachèvent leur formation. Nul n’a le droit de divulguer le secret de l’initiation après des femmes et des enfants, voire parler la langue de l’initiation auprès d’eux. Quiconque est pris de délit en ce sens ou soupçonné de cela est passible de mort. C’est après l’initiation seulement que le jeune homme peut porter le cache sexe. Il n’y a pas un rite particulier pour la jeune fille.
Au lendemain de la pénétration du christianisme dans le milieu, le Siim est qualifié d’idole (kang Siim), donc bon pour être jeté quand bien même comportant certains éléments positifs pour une vie sociétaire paisible et le christianisme méthodiste (Fare ge Dok ne) ou la parole de Dieu a eu droit de cité après une lutte âpre. Ce qui a entraîné par la suite un syncrétisme car entre le Siim Garab et le Christianisme, il y a bien des similitudes.
I-3-La pénétration du christianisme en milieu Garab
La colonisation a atteint la communauté Garab en avril 1903. Le village a été baptisé Erhé par Natchigal Barthe. La Colonisation est la locomotive qui a traîné le christianisme jusqu’à Eré.
A/ origine des églises
Dès 1921, l’exode devient possible. Certains jeunes Garab suivent des aventuriers Kabalaïs qui partaient au Nigeria pour faire fortune. Des décennies plus tard, ceux qui ont gardé la nostalgie de leur terre natale y sont revenus, amenant chacun avec eux ce qu’ils ont appris chez d’autres et avec l’intention de le faire valoir à Ere. C’est le retour des aventuriers qui va efficacement contribuer à accélérer le processus de changement social enclenché depuis 1903. Parmi ces jeunes qui sont partis au Nigéria, le premier à revenir, à témoigner de sa foi chrétienne est Amboulmato Tchangbaye, du clan Aguella en 1937. Etant seul, ce fut l’hirondelle qui ne pouvait pas faire le printemps. Ayant toute fois osé, il est noyé par la gérontocratie. Une seconde vague des jeunes ayant à sa tête Ali Japhet et Pierre Atanga arrive en provenance de Jos, mais elle subit le même sort que Tchangbaye. De plusieurs sources, leur seul moyen de conserver leur foi fut des séances secrètes de prière. Il a fallu attendre le 18 Avril 1939 pour que ces déviants se montrent au grand jour avec l’arrivée de Alhamndou Awoina Paul. En fait, ce dernier, turbulent depuis son enfance était un charismatique né. A seize ans, il est initié et pendant l’initiation il était destiné à la mort par la gérontocratie. Son destin étant de sauver son peuple, il échappe à la mort malgré la torture qu’on lui a fait subir. Une fois l’initiation finie, il se met à divulguer le secret du convent auprès des non initiés et des femmes. Condamné à mort par la société secrète, on attendait le jour convenu pour le liquider. Ses parents saisis de la nouvelle ont payé le prix puis ont décidé de l’envoyer loin des yeux de la gérontocratie. C’est ainsi qu’en 1928, il suit des Kabalaï qui se rendaient au Nigeria. Ayant atteint Maiduguri, où il devient un boxeur, l’aventure le même à Kano. C’est là-bas qu’il découvre le christianisme et abandonne sa profession pour apprendre les saintes écritures. Il fait la connaissance de John Olley, Alingué Marc et Ousmane Ndakira.
En mars 1939, il décide de rentrer dans son pays pour propager la bonne nouvelle. Le 18 Avril 1939, il arrive à Eré, rassemble autour de lui les jeunes chrétiens qui l’ont précédé. Ainsi née une cellule de prière. Il effectue sa première tournée dans la région et découvre qu’il y a des chrétiens à Kim, Djoumane et Koyom. Alors commence l’évangélisation dans la région. Ce petit noyau attire vers lui quelques jeunes hommes et des femmes. Mieux organisés que la société politique, les chefs des villages de la région en général et celui du village Eré en particulier voyaient en ces jeunes des usurpateurs de leur pouvoir. Les chefs spirituels qui espéraient encore un jour reconquérir leur place se voient vraiment déposséder du peu de pouvoir qui leur restait. Alors une guerre sans merci est déclarée aux chrétiens.
Pour les jeunes chrétiens, la seule piste à déblayer pour instaurer la nouvelle religion est d’abolir l’initiation. Le premier acte a consisté à empêcher aux jeunes hommes d’aller à l’initiation. Or, l’initiation est un rite qui fait vivre la gérontocratie. Le calvaire commence pour la petite communauté chrétienne de la région. Ce qui a offusqué plus d’un la gérontocratie de la région est la destruction du temple de Balamto: le Roi-Dieu de la région par tous les chrétiens de la région en 1940, après que celui-ci soit déporté. Dès lors, la haine s’active contre les chrétiens et embrasse toute la région. Pour la première fois, tous les chefs des villages de la région (Eré-Djoumane-Kim) s’entendent autour d’un point: La torture des chrétiens. Chaque fois que les autorités coloniales envoient chercher les insoumis à l’autorité du chef, on leur dresse la liste des chrétiens. Les notables sensibilisent également la masse juvénile à fleur d’âge qui était plus nombreuse que les chrétiens à provoquer des bagarres rangées lors des grandes pêches ou des grandes chasses afin de violenter les chrétiens.
En 1941, la torture des chrétiens commence par diminuer. Rappelons qu’en ce temps, les autorités coloniales avaient pris la défense des chrétiens dans la région. A Eré, les cellules de prière sont devenues fonctionnelles. L’alphabétisation démarre aussi en Haoussa. En novembre 1940, Josué Baizouma quitte Eré pour Fort-Lamy où il fait la connaissance de Ramsès John Olley. C’est à partir de ce moment que les missionnaires ont su qu’il y a des chrétiens dans la région. En ce temps, les différentes cellules de prière installées dans les quartiers de Eré avaient pour seule dénomination: Mission Evangélique au Tchad. En 1941, Ramsès John Olley lors d’une tournée dans la zone découvre le site de Koyom et décide d’en faire un poste d’évangélisation.
[1] Genèse 1 : 28
[2] Op, cit 11 : 8
[3] Ancêtre fondateur du village Eré ou un habitant du village Eré.
[4] Un ressortissant du peuple Garap.
[5] - Les deux clans ont eu un même ancêtre et partagent encore en commun de patrimoine tant matériel que spirituel